Alan Gordon parle des réponses conditionnées qui se mettent très souvent en place quand on souffre de symptômes chroniques. Il explique qu’il est fréquent que notre cerveau associe par erreur un signal de danger à une activité qui n’en présente pas en réalité – ou pas tant que ça. Alan Gordon nous invite à rassembler les preuves de ces conditionnements erronés pour les désapprendre progressivement à notre cerveau.
Comprendre nos déclencheurs
On peut penser ici à tous les « déclencheurs » (triggers en anglais) que nous fuyons de peur d’aggraver nos symptômes. Il peut être utile de se demander à quel point ils sont réellement dangereux pour nous. Quel est l’avis des médecins ? Prendre du recul, et essayer d’être objectif, rationnel : est-ce « normal » d’avoir peur de cette activité ? En quoi est elle si dangereuse ? D’où me vient cette peur, comment s’est elle mis en place ? Était-ce utile à l’époque ? Est-ce que ça l’est toujours aujourd’hui ?
Et si ces activités ne présentent pas de danger réel pour notre corps, ne serait-ce pas fantastique de pouvoir les vivre à nouveau sans peur ?
Réduire nos réponses conditionnées erronées
Grâce à Curable, j’ai déjà éliminé la plupart de mes déclencheurs physiques. Je peux les faire pratiquement sans peur et sans effet sur ma douleur à présent. Et c’est déjà un énorme soulagement ! Par contre j’ai encore du mal avec certains déclencheurs psychologiques.
C’est ce sur quoi je travaille en ce moment avec une psychothérapeute spécialisée en Thérapie Comportementale et Cognitive. Je me rends compte à quel point une aide extérieure est bénéfique pour sortir de ce genre de conditionnements.
Vous pouvez retrouvez l‘intégralité du programme écrit par Alan Gordon ici, et là la version originale de l’étape 18.
Photo par Scott Webb sur Unsplash
Etape 18 : Les réponses conditionnées
(Traduction intégrale du texte d’Alan Gordon)
À la fin des années 1960, l’acteur Steve Martin était au sommet de sa carrière. Il gagnait beaucoup d’argent. Mais une nuit, tout s’est effondré. Il sortait avec des amis quand il a eu une attaque de panique invalidante, sortie de nulle part.
« Mon cœur a commencé à battre à plus de deux cents battements par minute », a-t-il déclaré. « Ma bouche était si asséchée que je ne pouvais plus bouger ma langue. »
Le lendemain, il se sentait mieux. Mais le soir même, il a eu une autre crise de panique !
Son cerveau avait développé une connexion malheureuse – il en était venu à associer la nuit à un moment angoissant. Et cette association a duré des mois. Pendant la journée, il allait bien. Mais dès que le soleil se couchait, il paniquait.
Steve Martin avait développé une réponse conditionnée : son cerveau avait associé un symptôme physique à un stimulus neutre. Les réponses conditionnées sont très courantes chez les personnes souffrant de douleurs chroniques. Cela se produit lorsque la douleur devient liée à une position physique ou à une activité.
Par exemple:
Position assise => Mal de dos
Taper sur un clavier=> Douleur au poignet
Manger certains aliments => Douleurs à l’estomac
Mais dans le cas de la douleur neuroplastique, ce n’est pas la position ou l’activité qui cause la douleur, c’est plutôt la croyance que la position ou l’activité est dangereuse qui cause la douleur.
Comportements appris
Du point de vue de l’évolution, les réponses conditionnées sont réellement utiles. Si vous mangez des baies toxiques et tombez malade, votre cerveau crée une association. Il met un signal de « DANGER » sur cette baie. Après cela, même son odeur pourra vous rendre nauséeux. Les réponses conditionnées peuvent nous protéger de répéter des comportements dangereux.
Mais… et si cette baie n’était en fait pas toxique ? Et si c’était une coïncidence que vous soyez tombé malade peu de temps après l’avoir mangée ? Votre cerveau ne prend aucun risque et pourrait quand même créer une association et mettre un signe « DANGER » sur un aliment qui est en réalité sans danger.
En supposant que vous ayez une douleur des voies neuronales, c’est ainsi que les réponses conditionnées se développent. Votre cerveau interprète un comportement sans danger /« safe » (s’asseoir, marcher, taper au clavier, etc.) comme s’il était dangereux.
Dans la vidéo suivante, une jeune femme de 17 ans nommée Mya a développé une réponse conditionnée sur son alimentation. Son cerveau a appris que nourriture = danger, et il réagit en conséquence.
Heureusement, Mya travaille actuellement avec un spécialiste pour l’aider à désapprendre cette association.
Désapprendre ce que nous avons appris
L’approche pour surmonter les réactions conditionnées est d’enseigner à votre cerveau que la position ou l’activité qu’il interprète comme dangereuse est en fait sans danger.
La première étape de ce processus consiste à reconnaître les obstacles. Souvent, nous sommes capables d’accepter intellectuellement que nous avons des douleurs des voies neuronales, mais au niveau de l’intuition (Gut feelings : l’instinct, ce que l’on sent viscéralement, dans ses tripes), nous avons toujours tendance à penser que c’est un problème physique.
Et cela a du sens.
Si vous vous asseyez et que vous ressentez alors de la douleur, ou que vous marchez et que vous avez mal, c’est une conclusion logique de penser que c’est la position assise ou la marche qui cause votre douleur. Tout ce que vous avez appris sur la cause et l’effet vous dit que c’est ce qui se passe.
Donc, pour surmonter les réponses conditionnées, nous devons en fait adopter une perspective intrinsèquement contre-intuitive : « Ce n’est pas la position assise qui me cause de la douleur même si ça fait mal à chaque fois que je m’assois ? »
Rechercher des exceptions
Il est difficile d’accepter une réalité où nos sens nous mentent en grande partie. Rassembler des preuves à l’appui de cette perspective peut rendre les choses beaucoup plus faciles.
Les preuves les plus convaincantes qu’il n’y a rien qui ne va pas physiquement chez nous se présentent sous la forme d’exceptions.
L’exception
En 2006, je souffrais de maux de dos chroniques depuis plusieurs années. C’était assez cohérent : plus je restais assis longtemps, plus la douleur était intense.
Même si ça me faisait mal de m’asseoir, j’ai essayé de ne pas laisser cela m’empêcher de vivre ma vie. Et en avril de cette année-là, je suis allé à un match éliminatoire de Basket-Ball des Lakers (l’équipe de Los Angeles) contre les Suns (l’équipe de Phoenix). Dans le quatrième quart temps du match, les Lakers ont effectué un retour en force et Kobe Bryant a effectué un tir en dernière seconde pour pousser en prolongation. Les prolongations étaient encore plus excitantes, et il a fait un autre tir de dernière seconde pour gagner le match !
C’était la folie, le public était en liesse !
Mais personne dans le stade n’était plus heureux que moi, car pour la première fois en deux ans, j’étais assis sans douleur.
Parfois, lorsque nous sommes profondément distraits, nous privons inconsciemment notre douleur de sa seule source de carburant : la peur.
Lorsque cela se produit, nous pouvons développer des exceptions : des cas où la douleur n’est pas telle que nous l’attendions compte tenu de notre position physique ou de notre activité.
Trouver des exceptions peut nous aider à croire plus facilement que ce n’est pas la position ou l’activité qui cause notre douleur.
Bien que la recherche de ces exceptions passées puisse être utile, si vous n’avez aucun de ces exemples, ce n’est pas grave. Au fur et à mesure que vous continuerez à enseigner à votre cerveau que c’est sans danger, vous augmentez vos chances d’obtenir ces exceptions.
Compiler les preuves
Il existe en effet d’autres moyens de recueillir des preuves que votre douleur n’a pas de cause physique réellement dangereuse.
Les médecins ont-ils été incapables de trouver une cause à votre douleur?
Les symptômes sont-ils apparus sans traumatisme physique préalable ?
La douleur semble-t-elle fluctuer en fonction de votre niveau de stress ?
Rien de cela n’est une preuve définitive, mais nous essayons de monter un dossier.
Au fur et à mesure que vous continuez à rassembler des preuves, c’est une bonne idée de constituer une « fiche de preuves » : une liste de toutes les raisons pour soutenir que votre douleur est psychogène.
L’une de nos anciennes patientes nous a offert sa fiche de preuves à partager :
Fiche de preuves
1 – Rester assise pendant 2 heures en regardant un match de Basketball sans aucune douleur !
2 – Une séance de thérapie où la douleur est passée de 4 à 1/10 en restant assise en permanence.
3 – La douleur empire quand mon mari m’énerve / me stresse.
4 – J’ai eu un diagnostic de douleur psychogénique par un médecin respecté.
Renforcer les preuves
Le soir de mon expérience magique avec les Lakers, je me souviens avoir pensé : « C’est sûr que c’est psychogène ! Je suis libre! ». Puis le soir suivant, j’étais sorti dîner lorsque mon dos a commencé à me faire mal, et toute cette confiance s’est envolée.
Peu importe la quantité de preuves que nous avons que notre douleur est psychogène, il peut être difficile de s’y accrocher lorsque nous ressentons trop de douleurs.
Mais vous rappeler les preuves que vous avez recueillies tout au long de la journée peut vous aider, surtout lorsque vous souffrez : « En ce moment, je pense que ça fait mal parce que je suis assis. Mais à cause de cet élément de preuve ci et de cet élément de preuve là, je sais que ce n’est pas la position assise qui cause la douleur. C’est ma croyance que s’asseoir est dangereux qui cause la douleur. »
Plus vous êtes capable d’intérioriser ce message, plus vous avez de chances de rassembler encore plus de preuves. Cela peut devenir une boucle de rétroaction positive – cercle vertueux.
Enfin, lorsque vous êtes capable d’enseigner à votre cerveau que ces sensations physiques ne sont pas dangereuses, la douleur commence à s’estomper.
Bonjour,
Merci pour votre travail si précieux de traductions, explications…
J’ai une algodystrophie et je « note » souvent des exception, des preuves que mes douleurs sont en grande partie ou peut-être en totalité des douleurs de voies neuronales….
Je n’ai pas trouvé de thérapeute TCC ouvert à cette question. (Metz, et je cherche aussi à Nancy…)
Apparemment 2 Français seulement été formés par le centre de psychologie de la f douleur…
Comment les autres thérapeutes se forment, et où se trouve-t-ils?
Merci pour votre aide!
Bonjour,
Merci pour ce site qui nous permet d’en apprendre davantage sur le travail d Adam Gordon. Vous parlez en introduction de Curable qui vous a aidée à surmonter les déclencheurs physiques. Pouvez vous m indiquer de quoi il s agit? Merci d avance Anna
Merci pour votre message. J’espère que vous trouverez la réponse à votre question dans l’article que j’ai écrit sur la peur du mouvement – la kinésiophobie :
https://www.couleurschroniques.fr/en-pratique/bio/kinesiophobie/
En gros être rassurée et convaincue qu’il n’y a aucun danger à faire le mouvement ou l’activité (donc avoir vu un vrai médecin compétent pour cela) et y aller très très progressivement. Dans Curable ils invitent ainsi à commencer par juste visualiser et penser à l’activité, ou regarder une vidéo ou une image de personnes qui la pratiquent et de rassurer alors notre système nerveux, se répéter que c’est « safe », sans danger. Puis passer à l’action par tous petits pas. Cela peut prendre des mois pour changer un conditionnement, et parfois un psychologue professionnel (formé en Thérapie Comportementale et Cognitive) peut être d’une grande aide, en permettant de comprendre d’où vient le conditionnement et comment le « contourner ». C’est ce que j’ai du faire pour lever certains déclencheurs…