Quels outils psychologiques et thérapies peuvent aider contre les douleurs et autres symptômes chroniques ? Des réponses à travers mon expérience et la traduction et l’analyse du second article du dossier Pain Brain (Cerveau et Douleur) du New York Times paru le 9 Novembre 2021.
Sushma Subramania, une journaliste science et santé, y présente certaines des psychothérapies utilisées pour traiter la douleur chronique, ainsi que des outils en ligne. Il ne s’agit pas seulement de « gérer » la douleur mais de travailler sur certains des facteurs qui peuvent l’amplifier et changer la façon dont le cerveau la perçoit et la produit. L’article donne aussi des conseils sur comment trouver un psychologue adapté.
Comme je suis abonnée au New York Times, je peux vous partager gratuitement 10 articles dans leur intégralité chaque mois. Vous pouvez donc accéder à la version originale en anglais de cet article ici :
« Alors que les médecins et les patients s’inquiètent des effets des « painkillers » = analgésiques, les psychothérapeutes découvrent qu’ils peuvent offrir un puissant soulagement contre la souffrance. »
Mon expérience
Aucun doute, les facteurs psychologiques ont participé à la mise en place et la chronicisation de mes céphalées de tension. Et les différents thérapies et outils psychologiques que j’ai utilisés depuis plusieurs années m’ont énormément aidée à me sentir beaucoup mieux et reprendre confiance.
Bien sûr chaque personne est différente, ce qui a marché pour moi ne marchera pas forcément pour une autre personne. Je partage donc mon expérience uniquement pour donner des exemples de ce qui peut être essayé, testé. A chacun de voir ce qui lui parait adapté à sa situation propre… Et bien sûr demander l’avis d’un professionnel compétent, certains outils et thérapies peuvent se révéler contre-productifs voire nocifs.
Première psychothérapie
J’ai été suivie par une première psychologue française il y a 4 ans, absolument pas formée sur la douleur. Mais ça a été une étape fondamentale pour moi. Elle m’a appris à prendre du recul sur mes céphalées de tension et à croire de nouveau que ma vie n’était pas foutue. Je n’allais en effet pas bien à l’époque – c’est ce qui m’a poussée à consulter. J’avais abandonné l’idée que les médecins allaient me guérir après des années d’examens, de consultations et d’espoirs déçus. Pour moi j’avais un sérieux handicap à vie, et ça m’angoissait et me déprimait.
Elle m’a fait prendre conscience que je pouvais encore prendre du plaisir dans la vie, que j’avais encore le droit à avoir des rêves, des activités. Que je méritais une vie belle, riche, pleine de couleurs ! Elle m’a aussi fait travailler sur des problèmes de fond dans ma vie que la douleur avait éclipsés : j’utilisais clairement mes céphalées comme un bouclier pour ne pas les regarder. Apprendre à écouter mes émotions, comprendre mes besoins, me responsabiliser et m’affirmer…
Méditation de Pleine Conscience
A cela s’est ajoutée la Méditation de Pleine Conscience, grâce à une application, Petit Bambou, et surtout un livre de Christophe André : « Méditer jour après jour » et son CD de 10 méditations. Elles sont encore aujourd’hui mes méditations préférées.
Celle sur la douleur a été très importante pour moi au début. C’est elle qui m’a amenée à l’idée d’accueillir la douleur sans lui laisser prendre toute la place. Voici le lien pour que vous puissiez juger : il y a un air de Somatic Tracking ! Cette méditation propose d’observer ses sensations et d’amener sa respiration à l’endroit douloureux – j’ajouterai juste aujourd’hui de se rassurer avec compassion que cette douleur est sans danger. Elle amène aussi à prendre conscience de ses émotions et de ses pensées, qui pourraient ajouter de la souffrance si on n’y fait pas attention…
J’allais déjà mieux ! Et je suis partie aux USA…
Curable
Là j’ai découvert – grâce à une pub Facebook!- l‘application américaine Curable. Elle m’a très vite enthousiasmée et ça a été le début de Couleurs Chroniques… Toute la partie « éducation », avec beaucoup d’informations de neurosciences et de psychologie m’a passionnée. J’étais abasourdie de ne jamais avoir entendu parlé de ça, et à quel point ça a changé ma vision de la douleur : la douleur n’est pas dangereuse en elle même. Et le cerveau peut se tromper en envoyant ce signal d’alarme : il n’y a pas de danger réel dans mon corps. En fait ça a confirmé par la science ce que je pressentais déjà depuis quelques temps : que mes céphalées étaient comme un chien de garde surprotecteur qui aboierait pour rien…
Brain retraining et travail sur soi
Les exercices de reprogrammation du cerveau « Brain Retraining » de Curable m’ont aussi été utiles, comme la manière dont je pense et parle de ma douleur. (Voir le prochain article de Douleur et cerveau)
Curable m’a aussi amenée à faire un vrai travail psychologique sur moi même, en particulier les exercices d’écriture sur les périodes stressantes de ma vie ou le perfectionnisme, le « pep-talk » à mon système nerveux hyperprotecteur, les méditations sur les émotions et comprendre ce qu’elles veulent dire…
Tout ce travail a débouché au bout de quelques mois sur quelque chose de très concret : j’ai surmonté ma kinésiphobie et très progressivement réussi à bouger ma tête dans tous les sens, repris le vélo, fait des exercices de cardio sans peur – et sans augmentation de ma douleur.
Dan Buglio, Alan Gordon et The Way Out
Je me suis alors intéressée à toute l’approche MindBody américaine, en particulier sur les réseaux sociaux (voir mon prochain article). J’ai trouvé particulièrement utile la chaine YouTube de Dan Buglio avec ses petites vidéos quotidiennes. Ce coach a su évoluer en même temps que les connaissances scientifiques tout en donnant des conseils clairs et pragmatiques.
J’ai ensuite étudié avec beaucoup d’attention le programme Pain Recovery en 21 étapes d’Alan Gordon et son livre The Way Out. Une mine d’outils psychologiques que j’ai essayé de mettre en pratique. Et ça m’a aidée à faire un pas de plus pour aller mieux. Mais seule je sentais que je n’allais pas au bout de tout ça. Comme dit Alan Gordon, c’est comme se couper les cheveux soi même, je manquais de recul et de compétences.
Travailler avec une psychologue sur mon impression de sécurité et mes conditionnements
Réflexions sur l'article du New York Times
Avant la traduction de cet article, j’aimerais vous faire part de deux réflexions. Cela donnera peut-être un peu plus de profondeur à votre lecture…
1 – « Gérer » seulement la douleur ?
Le New York Times présente souvent ces outils psychologiques comme aidant à « gérer la douleur » = »Manage pain« . C’est ce qui est couramment admis, en particulier dans la communauté médicale.
Le choix des termes n’est pas anodin, il reflète notre état d’esprit et a un impact sur nos croyances, notre motivation et même notre santé. On en reparlera… dans le troisième article de ce dossier du New York Times !
Personnellement je n’aime plus trop ce terme de « gérer » la douleur. C’est réducteur et ne donne pas beaucoup d’espoir, d’Empowerment. Surtout ce n’est plus aligné avec les thérapies les plus récentes qui vont beaucoup plus loin. Elles ont en effet pour objectifs de changer la manière dont nous percevons la douleur et d’aller concrètement agir sur des facteurs qui la produisent (insécurité, peur, pression…).
Changer ses croyances sur la douleur
Dans le premier article de ce dossier Douleur et Cerveau, Tor Wager disait ainsi: « L’idée est désormais couramment acceptée qu’une proportion substantielle de personnes peut être aidée par le fait de penser d’une autre manière aux causes de leurs douleurs ».
Mais je n’irais pas non plus dire que l’objectif est de « guérir », ce serait mensonger, surtout quand on garde en mémoire que des facteurs physiques et sociaux interviennent. Et ça mettrait une pression nocive et injuste à ceux qui souffrent. Je reviens toujours au modèle BioPsychoSocial !
Alors je préfère « aller mieux et changer son rapport à la douleur », ou « l’apprivoiser » comme dit joliment le chercheur australien Lorimer Moseley dans Tame the Beast. Qu’en pensez-vous ? Qu’est ce qui vous parait à la fois juste et inspirant ?
2 – Les choix du New York Times
Des outils et thérapies utiles
Il n’y a plus aucun doute que des outils et thérapies psychologiques peuvent réellement aider à mieux vivre avec des douleurs chroniques. De nombreuses études scientifiques le valident, j’en rassemble quelques unes à la fin de cet article. Sushma Subramania le confirme aussi tout au long de l’article du New York Times traduit ci-dessous.
Je crois qu’il est important que le plus grand nombre possible de personnes ait accès à ces informations et ces outils. Mais il y en a déjà tellement qu’il faut bien faire une sélection. Et j’étais très intéressée de voir quels choix le New York Times ferait.
La recherche académique mise en avant
Sushma Subramania donne en priorité la parole à la recherche académique, aux scientifiques qui travaillent depuis longtemps sur ces sujets. Et je trouve ça bien, ça m’a obligée à prendre du recul et à me poser des tas de questions. Un rappel à l’humilité et à la rigueur…
Ainsi le New York Times offre par exemple une belle place à Beth Darnall, psychologue et chercheuse sur la douleur, directrice du « Pain Relief Innovations Lab » de l’école de médecine de Stanford. Voici son CV, impressionnant. Elle est considérée comme une experte de la douleur dans la recherche académique américaine et conseille les plus grandes instances comme la CDC, le NIH ou le congrès américain, en particulier sur les opioïdes.
Elle a publié une étude récemment montrant l’efficacité de sa formation de deux heures « Empowered Relief ». Les résultats sont moins impressionnants que ceux de la Pain Reprocessing Therapy (PRT, Thérapie de Reconditionnement de la Douleur), mais celle-ci est beaucoup plus longue il est vrai (2 mois dans l’étude publiée ci-dessous). En tout cas ça me donne envie d’en savoir plus sur Empowered Relief !
Les résultats de la PRT deux fois en lien… sans en parler clairement !
Je trouve amusant que Sushma Subramanian mette deux fois un lien vers la publication de Yoni Ashar, Alan Gordon et al. dans JAMA Psychiatry…. sans en parler clairement. Je comprends tout à fait que le New York Times reste prudent sur la Thérapie de Reconditionnement de la Douleur élaborée par Alan Gordon, dont j’ai beaucoup parlé dans Couleurs Chroniques. Une seule étude qui la valide ne suffit pas pour affirmer que c’est une solution révolutionnaire. Il y a encore beaucoup de points à confirmer et éclaircir, j’en reparlerai dans un article qui lui sera consacrée.
Trois programmes et applications en ligne développés par des universitaires mis en avant… mais pas Curable et autres applications privées
Evaluer sérieusement les applications digitales sur les douleurs chroniques
Traduction intégrale du texte de Sushma Subramanian
Depuis les deux dernières décennies, alors que la crise des opioïdes a ébranlé l’opinion publique sur les analgésiques (painkillers) et que les sociétés pharmaceutiques ont été fortement critiquées pour leurs pratiques de vente / marketing, de nombreux patients sont à la recherche d’alternatives. L’un des principaux candidats est devenu le traitement de la douleur grâce la thérapie par la parole.
Les psychologues, les thérapeutes et les travailleurs sociaux sont discrètement devenus des éléments cruciaux des programmes de traitement de la douleur, se révélant aussi efficaces, voire plus, que les médicaments. Sushma Subramanian met ici le premier lien vers la publication du 29 Septembre 2021 de Yoni Ashar, Alan Gordon et al. dans JAMA Psychiatry (voir ma réflexion ci-dessus…)
La psychologie avant les médicaments dans certains cas, mais c’est très récent
En 2018, la revue médicale The Lancet est allée jusqu’à recommander les séances d’information/éducation et les traitements psychologiques comme interventions de première intention des lombalgies chroniques, avant le traitement pharmacologique.
Selon une porte-parole de l’American Psychological Association (A.P.A. = Association des psychologues américains), ils n’ont commencé que récemment à suivre la psychologie de la douleur. En 2021, ils ont découvert que près de 40% de leurs membres rapportaient que leurs patients souffraient fréquemment de douleur chronique.
L’organisation rédige actuellement des directives pour le traitement de la douleur chronique. Un signe, selon Lynn Bufka, psychologue dans le Maryland et directrice principale de l’A.P.A., qu’il s’agit d’un domaine important et en pleine croissance avec des solutions basées sur la science.
Pourtant, trouver le bon thérapeute contre la douleur peut demander beaucoup d’efforts de la part des patients. Voici quelques points à considérer avant de vous lancer.
Que fait un psychologue de la douleur ?
Thérapies (TCC, TEA) et Pleine Conscience
De nombreux psychologues de la douleur traitent la douleur chronique grâce aux Thérapies Comportementales et Cognitives, ou TCC (ici une vidéo explicative en français). Elles se concentrent sur le recadrage des pensées pour modifier positivement les comportements et les émotions.
Les psychologues de la douleur utilisent aussi la pleine conscience, qui implique d’apprendre à prendre conscience de ses sensations et émotions sans y réagir impulsivement.
La Thérapie d’Acceptation et d’Engagement (quelques infos en français ici) combine pleine conscience et TCC pour aider les patients à accepter leurs émotions et à y répondre.
Biofeedback et hypnose
Une autre méthode utilisée par les psychologues pour traiter la douleur est le biofeedback, qui surveille la tension musculaire, la fréquence cardiaque, l’activité cérébrale ou d’autres fonctions d’une personne en temps réel. Cela permet de faire prendre conscience aux patients de leur stress et d’apprendre à le contrôler.
Enfin, certains soignants utilisent l’hypnose, qui peut être efficace pour gérer la douleur chez certaines personnes.
Ce qui unifie tous ces traitements, c’est l’accent mis sur l‘enseignement aux patients de la façon dont ils peuvent utiliser leur esprit pour faire face à leur douleur.
Comment trouver un psychologue de la douleur ?
L’article s’adresse principalement aux américains, mais je pense que ce n’est pas plus simple en France ou au Canada ? Peut-être dans les centres de la douleurs ? Je serais ravie d’avoir vos retours dans les commentaires…
Trouver un psychologue de la douleur peut être difficile. Les grands centres médicaux et les regroupement de cabinets sont plus susceptibles d’offrir un traitement complet de la douleur, mais ont également tendance à se trouver dans les zones urbaines.
Les habitants des zones rurales ou ceux qui ne peuvent pas se permettre ces services sont laissés de côté, selon Rachel Aaron, professeure adjointe de médecine et de réadaptation à Johns Hopkins Medicine. Mais même dans les zones urbaines, tous les grands réseaux médicaux ne disposent pas de services spécialisés dans la douleur.
« C’est sans aucun doute un vrai défi de passer du diagnostic initial de la douleur aux soins psychologiques, quel que soit le système dans lequel vous vous trouvez », explique le Dr Aaron.
Quelle formation ?
Selon Eric Garland, directeur du Centre de Développement de la Pleine Conscience et de la Santé « Intégrative » à l’Université de l’Utah, il n’y a pas de certifications spécifiques pour les thérapeutes en gestion de la douleur. De plus, l’American Psychological Association ne suit pas les chiffres des thérapeutes se spécialisant dans la douleur.
Mais la plupart des experts s’accordent à dire qu’il y a une pénurie de psychologues spécialisés dans la douleur, tout comme les autres professionnels de la santé mentale. (Cet article explique que la pandémie a encore aggravé les choses, les demandes explosant).
Quelles prises en charge possibles ?
Si vous êtes intéressé à essayer une thérapie de la douleur, explique le Dr Aaron, la première chose à faire est d’en parler avec votre médecin de famille / médecin traitant. De plus certaines assurances santé couvrent les séances de psychologie de la douleur, mais d’autres non. Il est ensuite important de parler aux psychothérapeutes recommandés pour savoir comment le traitement pourrait être couvert.
(La thérapie peut en effet être très chère selon le nombre de séances, savoir si elle peut être au moins en partie prise en charge est important. C’est le cas aux USA : j’ai en effet la chance que mon assurance santé américaine rembourse certaines consultations de psychologues, ce qui n’était pas du tout le cas avec ma mutuelle quand je vivais en France. Par contre j’imagine que les thérapies offertes dans le cadre des centres de la douleur français sont prises en charge par la CPAM, ou aussi dans le cas d’un psychiatre ? Qu’en est il au Canada ou d’autres mutuelles ? Si vous avez des bons plans, n’hésitez pas à partager !).
Trouver le thérapeute qui convient à votre cas
Après cela, recherchez des centres médicaux spécialisés dans la douleur en appelant les hôpitaux de votre région ou utilisez la fonction Trouver un thérapeute sur le site Web de Psychology Today (seulement pour les USA). Recherchez un psychothérapeute qui soit traite votre condition spécifique, que ce soit la fibromyalgie ou les migraines, ou qui traite la douleur chronique de manière plus large, une spécialité souvent appelée « médecine comportementale » ou « psychologie de la santé ».
Certains experts recommandent de travailler avec des professionnels agréés, titulaires d’un doctorat ou d’une maîtrise en psychologie ou en « travail social clinique » (pas sûre que ce titre existe en français!) avec une formation supplémentaire en douleur chronique.
Bien choisir selon leur approche… et notre « feeling »
Il est important de les interroger sur leur formation et leur approche avant de commencer. Selon le Dr Garland, « s’ils ne peuvent pas donner une réponse claire sur leur approche ou sur la façon dont ils traiteraient votre problème de douleur spécifique, ils n’ont probablement pas la bonne formation ».
Plus essentiel encore, vous devez vous sentir suffisamment à l’aise et en confiance avec ce thérapeute pour vous ouvrir à lui sincèrement.
C’est selon moi le plus important. Si on ne se sent pas en confiance, en sécurité, à l’aise avec le thérapeute, ça pose un vrai problème. Il faut pouvoir tout dire sans peur du jugement, se sentir écouté, compris. La reconnaissance de notre douleur est évidemment essentielle, comme le fait de pouvoir exprimer nos souffrances, nos peurs et toutes les émotions que l’on n’ose pas toujours libérer.
A quoi s'attendre ?
Selon Fadel Zeidan, professeur agrégé d’anesthésiologie et directeur exécutif du Centre pour la Pleine Conscience de l’Université de Californie à San Diego, la plupart des programmes de thérapie de la douleur commencent par six à huit séances hebdomadaires.
Souvent, la première séance est une évaluation pour en savoir plus sur la douleur chronique et les problèmes émotionnels qu’elle peut causer.
Vous pourriez ensuite apprendre des techniques de pleine conscience pour séparer les aspects physiques et émotionnels de la douleur. On s’entraîne aussi à changer certains schémas de pensée négatifs et à accorder plus d’attention aux sensations agréables.
Des thérapies validées par de nombreuses études, avec des résultats bénéfiques mais variables
Un article récent dans JAMA Psychiatry a montré qu’après un traitement psychologique de quatre semaines, les deux tiers des patients souffrant de maux de dos chroniques étaient sans douleur ou presque. (C’est ici que Sushma Subramanian cite pour la seconde fois la publication ayant validé la PRT)
Cependant la plupart des études montrent un effet plus modeste. Cet article offre une revue globale des études publiées jusqu’en 2020 sur l’efficacité des traitements psychologiques de la douleur : une mine d’informations !
Dans une autre étude, environ un tiers des participants avaient constaté une diminution significative de la douleur. Ce dernier article nous fait entrer dans la neuroscience et l’effet de la Méditation de Pleine Conscience sur le cerveau et le ressenti de la douleur : passionnant ! Les résultats sont très clairement positifs : 57% de moins dans le ressenti désagréable et 40% de diminution de l’intensité de la douleur, après 4 jours de formation en Pleine Conscience.
Mais il me parait étrange de comparer cette étude à celle de la PRT (Yashar et al. 2021): il s’agit ici de douleur aigue (légère brulure) ce qui n’a rien à avoir avec des douleurs chroniques (11 ans de lombalgies en moyenne pour l’étude de la PRT).
Une alternative sérieuse aux opioïdes, à adapter pour chacun
Pour mettre cela en perspective, c’est à peu près le même effet que celui des opioïdes sur la douleur chronique. Mais les bénéfices de ces derniers diminuent avec le temps et ils comportent des risques. Alors que l’efficacité des traitements psychologiques de la douleur peuvent au contraire augmenter avec la pratique.
Le Dr Zeidan recommande d‘essayer différentes méthodes : thérapie individuelle, cours de gestion de la douleur et thérapie de groupe. « Nous ne savons pas vraiment quelle est la meilleure solution, car il n’y en a probablement pas pour guérir la douleur. Tester, valider et optimiser plusieurs approches est donc une étape essentielle. »
Que faire si on ne peut pas voir un psychothérapeute en personne ?
Les définitions que les compagnies d’assurance santé utilisent pour la douleur chronique évoluent rapidement. La douleur est de plus en plus considérée comme une maladie à part entière. Je vous invite à lire l’article que j’ai écrit à ce sujet : La nouvelle définition de la douleur par l’IASP et l’OMS, avec justement la traduction partielle de la référence donnée ici par Sushma Subramanian.
Mais pour l’instant, il est difficile de se faire rembourser une séance chez un psychologue de la douleur. Cela peut mettre le traitement individuel hors de portée pour beaucoup.
Des alternatives aux thérapies individuelles
Comme l’explique Beth Darnall, directrice du Stanford Pain Relief Innovations Lab, « Nous n’avons pas assez de psychologues qualifiés pour répondre à tous les besoins. Nous devons vraiment regarder au-delà de ce que nous faisons maintenant. »
Selon le Dr Darnall, la technologie pourrait offrir de nouvelles alternatives, car bon nombre des outils psychologiques validés pour diminuer la douleur peuvent être appris et partagés avec une formation minimale. Elle a créé un programme basé sur la Thérapie Comportementale et Cognitive (TCC) et d’autres modèles, appelé Empowered Relief, qui est abordable et peut être suivi à partir de votre propre maison.
Le programme Empowered Relief
Les patients peuvent s’inscrire, souvent gratuitement, à un cours unique en ligne de deux heures dispensé par elle ou l’un des 300 instructeurs, tous des professionnels de la santé. Ce programme offre des compétences simples pour calmer le système nerveux, changer votre vision de la douleur et la façon dont votre cerveau la traite.
Il a été intégré à la Cleveland Clinic pour les patients souffrant de douleur chronique et de chirurgie de la colonne vertébrale, ainsi que par plusieurs compagnies d’assurance santé.
Une étude récente a observé que cette seule classe était comparable à huit séances de Thérapie Comportementale et Cognitive.
Notes sur ce programme
On ne trouve sur le site du programme Empowered Relief seulement la formation en ligne pour le personnel de santé, une session en visioconférence de deux jours pour 550$ qui donne ensuite le droit à une certification. Pour les patients il faut trouver dans l’annuaire joint un praticien formé qui propose une session de deux heures en ligne.
J’aimerais bien tester ce programme. Alors je fais un appel à ceux qui parmi vous habitent au Canada ou aux USA – ou un des pays dans la liste, mais il n’y a pas la France. Connaissez vous un des médecins ou psychologues de cette liste que vous pourriez me recommander ?
Programmes en ligne
Beth Darnall travaille également actuellement sur une application et même sur des plateformes de réalité virtuelle.
Je suis très curieuse de savoir si on pourra bientôt y avoir accès, et la comparer à Curable…
Selon le Dr Darnall, « Vous pouvez vivre dans un ranch dans l’Idaho et avoir accès à des soins de la douleur de qualité, fondés sur des études scientifiques ».
Programmes déjà en ligne
Il existe également des programmes en ligne fondés sur des données probantes et disponibles gratuitement. Le Dr Aaron recommande PainTRAINER et Pain Course – le cours sur la douleur.
Je ne connais aucun de ces deux programmes en anglais, basés sur la gestion de la douleur et les thérapies comportementales et cognitives. Ils sont offerts respectivement par les universités de Melbourne et Sydney, en Australie, en collaboration avec des chercheurs américains. Si vous connaissez et avez testé, bien sûr je serais ravie d’avoir votre retour et le publier.
Ces programmes datent de quelques années et ont montré une réelle amélioration chez les personnes le suivant : baisse du handicap (18%), de l’anxiété (32%), des dépressions (36%) et de la douleur dans une moindre mesure (12%). Ces résultats étaient maintenus deux ans après, voir améliorés, et ont été confirmés par une autre étude au Canada.
Le modèle Bio-Psycho-Social et une approche globale remis en avant
Beth Darnall souligne enfin que le traitement psychologique n’est juste qu’une composante d’un programme de traitement de la douleur chronique, qui peut également inclure des médicaments ou des changements de mode de vie.
« Ce ne sont pas les traitements psychologiques ou les médicaments. C’est un menu, et les patients peuvent associer deux ou trois options différentes pour trouver la formule adaptée à leur cas. »
Voir le cinquième article du dossier du New York Times… A suivre !
Bibliographie - Articles scientifiques marquants
Voici quelques publications validant des thérapies psychologiques de la douleur que je trouve particulièrement intéressantes. La liste est évidement très loin d’être exhaustive.
Thérapie de Reconditionnement de la douleur (PRT)
Bien sûr en premier la publication de Yoni Ashar dans JAMA Psychiatry, qui valide la Pain Reprocessing Therapy d’Alan Gordon et Christie Uipi, testée à l’Université Boulder (Colorado) par l’équipe du neuroscientifique Tor Wager (investigation originale mis en ligne le 29 Septembre 2021). Elle est citée deux fois dans l’article du New York Times traduit ci-dessus. J’en ai aussi beaucoup parlé dans Couleurs Chroniques, et compte toujours écrire un article spécifiquement dessus…
« Effect of Pain Reprocessing Therapy vs Placebo and Usual Care for Patients With Chronic Back Pain : A Randomized Clinical Trial », Yoni K. Ashar; Alan Gordon; Howard Schubiner; Christie Uipi; (…. ); Tor D. Wager, JAMA Psychiatry. 2022;79(1):13-23.
Résumé de l’étude
151 patients souffrant de maux de dos chroniques (sans cause médicale grave, c’est le Dr Schubiner qui a analysé chaque dossier) depuis 11 ans en moyenne ont été placés dans trois groupes
dans le premier groupe :
8 séances individuelles d’une heure de PRT avec Christie Uipi ou Alan Gordon, à raison de deux fois par semaine.
La PRT change les croyances sur la douleur des personnes, leur fait prendre conscience qu’elle n’est pas synonyme de danger dans leur cas, qu’elle est produite par un système nerveux « déréglé ». C’est un mélange de techniques cognitives (les pensées et les croyances), somatiques (attention aux sensations du corps) et d’exposition progressive (sortir de certains conditionnements erronés).
33 des 50 participants étaient sans ou quasiment sans douleur après, soit 66%, les deux tiers ! De plus des analyses par IRM montre que la réponse de leur cerveau à la douleur a réellement changé.
dans le second groupe :
Injection d’un placebo, une substance inactive mais les patients ne le savent pas et croient tester peut-être un nouveau traitement.
10 des 51 participants étaient sans ou quasiment sans douleur après, soit 20%
dans le troisième groupe :
Aucun traitement spécial, seulement les soins habituels.
5 des 50 participants étaient sans ou quasiment sans douleur après, soit 10%.
Un an après, ces résultats étaient largement maintenus, même sans séance de PRT supplémentaire. Un traitement psychologique a donc un impact positif stable sur le long terme, une fois les croyances sur la douleur et les fonctionnements modifiés, ça reste ! Et cela peut même amener à la guérison dans certains cas.
Thérapie pour soigner les symptômes Psycho-Physiologiques (PSRT)
Je suis surprise que l’article du New York Times ne cite pas cette étude récente qui a validé une autre thérapie psychologique de la douleur. Il s’agit de la PsychoPhysiologic Symptom Relief Therapy (PSRT) publiée dans le journal Pain, par des équipe du Beth Israel Deaconess Medical Center, l’école de médecine de Harvard (Boston, Massachussetts).
Psychophysiologic symptom relief therapy for chronic back pain: a pilot randomized controlled trial; Michael W. Donninoa,b,et al., PAIN Reports, September/October 2021, vol. 6(3):e959.
Cette thérapie est basée sur le modèle psycho-physiologique de la douleur (voir la présentation des troubles psycho-psysiologiques de la PPDA (PsychoPhysiologic Disorders Association). Elle s’attaque « aux facteurs de stress sous-jacents et aux contributeurs psychologiques de la douleur persistante, ainsi que les réponses conditionnées à la douleur et les comportements d’évitement de la peur. » Elle comprend notamment de « l’éducation psychophysiologique à la douleur, de la désensibilisation et de l’expression émotionnelle. »
Là aussi les résultats sont là aussi clairement positifs : 63.6% des patients ayant suivi la PSRT se disaient sans douleur, contre 25.0% et 16.7% pour ceux ayant suivi respectivement de la MBSR (Méditation de pleine conscience) et les soins habituels.
Autres publications
Thérapies basées sur la conscience et l’expression des émotions
L’approche Emotional awareness and expression est dérivée de celle du Dr Sarno adaptée aux connaissances actuelles (voir le premier article du dossier du New York Times). Une étude a validé son efficacité pour réduire la douleur chez les personnes atteintes de fibromyalgie :
Emotional awareness and expression therapy, cognitive behavioral therapy, and education for fibromyalgia: a cluster-randomized controlled trial, Mark A Lumley, Howard Schubiner et al., Pain, 2017
Vous recherchez plus d’articles sur le sujet?
Voici une revue de 2021 intéressante sur les thérapies utilisant des informations de neuroscience pour soigner les migraines : Neuroscience Education as Therapy for Migraine and Overlapping Pain Conditions: A Scoping Review, Pain Med, 2021.
Et aussi cette publication très riche extraite d’un livre de « reviews », citée dans l’article du New York Times, qui fait le point sur de très nombreuses études par catégories de symptômes, en tenant compte de leur qualité: Noninvasive Nonpharmacological Treatment for Chronic Pain: A Systematic Review Update [Internet], Andrea C. Skelly, et al., Agency for Healthcare Research and Quality (US); 2020 Apr.
Enfin voici une liste de plus de 200 études scientifiques pour confirmer le lien entre psychologie et troubles physiques / douleurs chroniques
Cette liste est publiée par la PPDA (PsychoPhysiologic Disorders Association) et s’intitule « Bibliographie annotée sur les Troubles PsychoPhysiologiques et la Douleur chronique. »
Au 1 Octobre 2021, ce document de 45 pages présente 218 études scientifiques publiées dans des journaux reconnus qui confirment l’importance de la psychologie pour comprendre et traiter des troubles physiques, notamment la douleur chronique.